La Gamification - ou ludification - connait un fort développement depuis quelques années. Face à des situations austères, rébarbatives, peu motivantes ou peu engageantes, les personnes sont de plus en plus réceptives à cette couche de vernis « jeu » permettant de rendre ces situations plus séduisantes.
Nous assistons de surcroit à une explosion du jeu de société sous toutes ses formes (narratifs, cartes, plateaux, audio, escape etc.), et les différentes mécaniques associées permettent aux utilisateurs de la gamification de piocher dans une panoplie d’outils permettant de rentre ludique un contenu qui ne l’est pas forcément initialement.
Avant d’aller plus loin, il parait essentiel de planter quelques éléments de décor et de définir la Gamification.
Pour certains, la Gamification est l’art d’utiliser des techniques/mécaniques du jeu dans le but de changer le comportement d’une personne (ou d’un groupe de). Pour d’autres la Gamification est « simplement » l’utilisation d’éléments du jeu dans un contexte non ludique. De par sa racine anglaise, la définition la plus simple que nous pourrions également donner est « transformer en jeu ». En somme, la Gamification est l’utilisation de principes de jeu dans un environnement non-ludique dans le but d’encourager, motiver et engager les utilisateurs à atteindre des objectifs.
Toutes ces définitions sont bonnes et pertinentes et nous n’allons pas en donner de supplémentaire.
Lorsque nous regardons ces différentes définitions d’un peu plus près, nous pouvons noter qu’elles impliquent 1) une situation de départ (un problème à résoudre) ; puis 2) une transformation (trouver et mettre en place la solution). Qui dit « solution » implique 3) une situation finale (atteinte des objectifs).
Ces 3 notions vont être le fil rouge de ce guide.
Le jeu captive, retient l’attention. Dans le monde professionnel la gamification offre un nombre incalculable de possibilités de faire changer les comportements (adhésion à un projet, aide à la conduite du changement, formation etc.). La dimension ludique d’une situation engage une personne sur le long-terme. Elle procure un certain plaisir, rend les choses plus pédagogiques, et est source de motivation. La gamification est donc source d’engagement.
La gamification a été facilitée par l’explosion des jeux vidéo ces 20-30 dernières années. Cet essor a été suivi par l’explosion des jeux de sociétés et des mécaniques associées. Ces dernières ont permis l’accès à toute une panoplie de mécaniques/d’éléments ludiques transposables au monde professionnel.
Enfin, le développement d’internet et le partage / la disponibilité de l’information à permis au plus grand nombre d’avoir accès à ces éléments facilement, facilitant la mise en place de système gamifiés dans des domaines divers et variés.
Comme dans tout projet de résolution de problème, la première étape - le « diagnostic » - est incontournable et crucial pour le succès du projet de gamification. Cette étape permet de définir la situation de départ, le « problème » à résoudre, et va permettre ensuite de définir les objectifs, et donc le fil conducteur de notre stratégie/projet de gamification.
De nombreux outils et/ou approches existent sur le marché. Il serait maladroit d’en recommander une en particulier tant le choix de l’outil dépend de notre appétence pour ce dernier et de vos expériences respectives.
Quelque soit l’outil retenu, vous devrez ressortir de cette phase de diagnostic avec des éléments répondants à des questions telles :
Une fois tous ces éléments en main, je vous conseille d’en faire une synthèse claire et exploitable. Au fil du temps (i.e. dans la mise en place de votre projet de gamification) il y a de fortes chances que vous y reviendrez pour la modifier/l’affiner. La mise en place d’une expérience ludique est un processus itératif.
Deux types d’objectifs distincts sont à identifier :
Les objectifs business sont votre stratégie. Ce que vous souhaitez obtenir, à quel horizon etc. Ils sont propres à l’entreprise et doivent s’inscrivent dans le plan stratégique global de cette dernière (attention aux interdépendances). Il s’agit des objectifs long-termes au cœur du projet.
Les objectifs utilisateurs sont des objectifs intermédiaires (court-termes et moyen-termes) auxquels vont être associés des mécaniques de jeux permettant de résoudre le problème de départ. Ces objectifs sont ceux qui sont au cœur de la transformation énoncée plus haut.
Pour créer l’engagement d’un utilisateur/joueur, quatre grands principes doivent être respectés. Les objectifs doivent être :
Vous trouverez ci-dessous quelques exemples (non exhaustifs) de moyens permettant de répondre à ces grands principes :
Rappelez-vous que les objectifs joueurs permettent de répondre aux objectifs business. Il est donc crucial que l’expérience ludique permettent aux utilisateurs de se concentrer sur les objectifs importants pour l’entreprise.
A cet effet, il est indispensable de définir des métriques qui permettront de mesurer l’atteinte des objectifs business (nous développerons ce sujet plus tard dans ce guide).
Quand plusieurs objectifs business sont identifiés, un système de pondération permettra facilement de hiérarchiser ces premiers. A vous de faire en sorte que les objectifs utilisateurs et les mécaniques associées permettent de guider les utilisateurs vers les objectifs les plus important en premier lieu.
Une fois la situation de départ claire et les objectifs déterminés, le choix des mécaniques de jeux va définir l’expérience ludique que vont vivre vos joueurs/utilisateurs. Cette expérience de ludification (et les mécaniques de jeux associées, donc) va transformer votre situation de départ (votre problème) en y apportant une solution.
Elle va prendre en compte les objectifs définis dans la partie précédente, mais surtout le profil des utilisateurs/joueurs. Selon le type de joueur, les mécaniques à utilisées ne sont pas les mêmes. En effet, tous les profils ne sont pas sensibles aux mêmes mécaniques et il est judicieux de comprendre ce qui anime chaque type de joueur.
De nombreuses études autour des différentes typologies de joueurs existent. Afin de ne pas complexifier ce guide, nous allons nous concentrer sur la typologie des joueurs de Bartle. Ce modèle créé par Richard Bartle en 1996 permet de diviser les joueurs en quatre catégories en fonction de leurs actions et interactions sur le jeu (que ce soit avec les autres joueurs ou le jeu en lui-même). Selon lui, il existe 4 profils :
(Source : Bartle R., « Hearts, Clubs, Diamonds, Spades: Players Who Suit Muds”, MUSE Ltd, University of Essex, 1996)
Bien qu’un joueur puisse combiner plusieurs profils (lors d’une expérience ludique), les observations de Bartle montrent l’existence d’un profil dominant. Afin de maximiser la motivation et l’adhésion d’un utilisateur à une mécanique de jeu, il faut donc bien connaître le profil de ses utilisateurs et appliquer les mécaniques adéquates.
Afin de bien comprendre ce qui se cache derrière chaque profil, vous trouverez ci-dessous, les grandes caractéristiques définissant chaque profil de Bartle :
Si vous souhaitez soumettre vos utilisateurs au test de Bartle vous pouvez visiter le site fidbak.io.
Au-delà du profil de Bartle, bien connaître ses utilisateurs est essentiel car chaque utilisateur va être sensible à des leviers de motivation (ou d’engagement) différents dont la réponse sera une ou plusieurs mécanique(s) de jeu. Passez donc du temps à définir les personae de vos utilisateurs afin de définir une expérience ludique la plus pertinente possible.
Une fois les profils de vos utilisateurs identifiés il vous faut vous attaquer au choix des mécaniques de jeux qui vous paraissent les plus adaptées à vos objectifs et joueurs.
Plusieurs types de mécaniques de jeu existent. Le choix des mécaniques va dépendre des objectifs fixés, des profils de votre cible (les joueurs) etc. De (très) nombreuses mécaniques existent et de nouvelles peuvent être inventées par vos soin. A chaque situation sa réponse et ses mécaniques de jeux.
Vous pouvez retrouver des listes de mécaniques de jeux sur Internet, dans des livres ou depuis d'autres sources. Vous trouverez néanmoins quelques exemples de mécaniques couramment utilisées afin d’illustrer ce guide. Très répandues, vous retrouverez ces mécaniques e.g. dans vos jeux mobiles préférés (amusez-vous à les chercher et à vous demander ce que le game designer a essayé d’obtenir) :
Bien que le but premier d’une mécanique de jeu soit de susciter l’engagement, il arrive parfois que cela ne suffise pas. Il faut parfois prévoir une petite piqure de rappel.
Prenons l’exemple d’un vaccin (très actuel comme exemple). Faire un rappel de vaccin n’est pas toujours un acte intuitif. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons tous un carnet de santé, que nos vaccins sont répertoriés et que les dates de rappels sont renseignées en amont. Pour certaines maladies récurrentes (la Grippe par exemple), des campagnes de communications sont même organisées chaque année.
Dans un système gamifié, il en va de même. Nous avons parfois besoin d’un peu d’aide pour nous rappeler de e.g. nous connecter à une application, de continuer un parcours de formation etc.
Des mécaniques – agissant comme des stimulus et incitant au passage à l’action - existent. Il est essentiel de vous assurer d’intégrer ce type d’éléments dans l’expérience ludique de votre système gamifié.
Deux grandes familles de stimulus (ou déclencheurs) se dégagent :
Selon B. J. Fogg – fondateur du Persuasive Technology Lab à l’université de Stanford – le passage à l’action est facilité par la simplicité de l’action et la motivation du sujet. Il est donc essentiel que ces déclencheurs répondent à ces deux critères si vous voulez que ces derniers soient efficaces.
Là encore, nos jeux mobiles regorgent de déclencheurs. N’avez-vous jamais reçu de notifications vous informant que de nouveaux niveaux venaient d’être ajoutés ? Vos jeux préférés ne vous donnent-ils pas des bonus à des heures précises quotidiennement ? Le groupe auquel vous appartenez ne participent-ils pas à des tournois réguliers ?
Vous l’aurez compris, tous ces éléments sont bien évidemment des déclencheurs qui vous « poussent » à vous connecter, jouer, interagir.
Un troisième type de mécaniques qui existe a un but précis dans votre système gamifié : récompenser l’utilisateur. Si votre système de récompenses est bien défini, ces mécaniques vont surengager vos utilisateurs. Elles vont agir comme des encouragements continus et vont motiver vos utilisateurs à se dépasser et à s’engager sur le long-terme. En outre, certaines récompenses génèrent une production de dopamine, molécule responsable des comportements addictifs en provocant une sensation de plaisir lié à une situation. Pourquoi arrêter quelque chose qui nous apporte des bienfaits ?
Il est communément admis dans le monde de la gamification qu’un système de récompenses doit prendre en considération le niveau d’expertise des joueurs (sa maîtrise du système gamifié proposé) et son type de motivation. Le joueur est-il motivé par le système gamifié/l’activité en tant que tel(le) (motivation intrinsèque), ou bien par ce que va lui apporter le système gamifié en dehors de celui-ci (motivation extrinsèque) ?
Prenons l’exemple d’un parcours de formation :
En fonction de la motivation de l’apprenant, des mécaniques de gamifications différentes devront être mises en place pour s’assurer que - dans l’exemple ci-dessus - ce premier termine le parcours de formation.
Vous trouverez ci-dessous quelques exemples de mécaniques « récompenses » :
Nous ne le répéterons jamais assez : la mise en place d’une solution (qu’elle soit une expérience ludique ou non) est un processus itératif. Il faut prototyper et tester la/les solution(s) envisagée(s). Même si l’expérience ludique proposée vous paraît pertinente, les seuls juges seront vos utilisateurs. Repartez des profils de ces dernier, et testez vos solutions auprès d’un panel représentatif d’utilisateurs. Ajustez votre expérience ludique si besoin avant de vous lancer dans le développement et la livraison de votre solution ludique. Au final, vous gagnerez en pertinence, qualité, délais et coûts.
Comme évoqué précédemment, rien ne garantit que l’expérience ludique mise en place soit un succès (malgré les tests en amont). Comme dans toute résolution de problème, le succès n’est jamais garanti même en y mettant tout son cœur. Il est donc important de se doter d’outils permettant de mesurer l’efficacité de la solution dans le temps. La mise en place de critères d’évaluation/de KPI (key performance indicators) est indispensable.
Rappelez-vous que l’expérience ludique sera un succès si les objectifs business (stratégiques) sont atteints. Ces KPI doivent donc être déterminés à partir du diagnostic et des objectifs business qui en ont découlés.
Ces métriques permettront de valider la pérennité de la solution, et dans le cas contraire, d’adapter / redéfinir les objectifs et/ou l’expérience ludique. Il arrive même parfois que le système gamifié mis en place ne soit pas un succès car le diagnostic de départ était incomplet ou erroné.
Quelques conseils en ce qui concerne ces métriques. Elles doivent :
Il serait dommage – si vous ne mettez pas de KPI en place - de vous rendre compte que votre expérience ludique devait être redéfinie 6 mois ou 1 an plus tôt et qu’il est maintenant trop tard pour redresser la barre (ne jamais créer d’effet tunnel).
L’art de la gamification permet d’influencer les comportements, de faire adhérer des utilisateurs à un produit ou service, ou tout simplement résoudre un problème.
Avec l’expansion des technologies et du monde connecté, la gamification explose et devient omniprésente.
Attention toutefois à ne pas en abuser. Nous assistons également à une sur-gamification de certains systèmes. Ceci est totalement contre-productif et génère l’effet inverse à celui escompté. Nous le voyons notamment sur certaines applications mobiles et jeux dont les concepteurs abusent tellement d’éléments de gamification que ces derniers prennent le pas sur le jeu lui-même. Nous devons nous connecter X fois dans la journée, cliquer ici, cliquer là, collecter ceci, collecter cela… et le jeu en devient presque secondaire. Nous voyons bien que les concepteurs derrière cette expérience ludique ne sont pas des experts en gamification.
Nos conseils pour réussir votre projet de gamification :
A) Assurez-vous de procéder par étape et d’être méthodique :
B) Assurez-vous de passer suffisamment de temps sur le diagnostic. Après tout A. Einstein disait « Si j'avais une heure pour résoudre un problème, je passerais cinquante-cinq minutes à définir le problème et seulement cinq minutes à trouver la solution. »
C) Assurez-vous de connaitre vos utilisateurs.
D) Assurez-vous d’intégrer des mécaniques de jeu « de base » (dont le but est de susciter l’engagement), mais aussi des mécaniques d’incitation de passage à l’action et de récompenses. L’association des trois garantissent le succès de votre système gamifié.
E) Assurez-vous de mettre en place de indicateurs de suivi (KPI) afin d’évaluer votre système gamifié et surtout de pratiquer des ajustements si nécessaire. Il n’y a pas d’échecs, que des apprentissages. L’échec serait de répéter les mêmes erreurs continuellement.
F) Il n’y a rien de mieux que l’intelligence collective pour bâtir vos succès. Ne travaillez jamais seul. Capitalisez sur votre famille, amis, collègues. La dynamique de groupe permet d’augmenter considérablement la quantité et la qualité des idées.
Vous avez des questions ou bien souhaitez juste échanger sur ce guide, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse email contact@gamtog.com